« Cette foule si étrangement bavarde et muette » (Aimé Césaire)

8 octobre 2014

« Cette foule si étrangement bavarde et muette » (Aimé Césaire)

La conversion de jeunes Antillais à l’islam

Un article du 3 octobre 2014 paru dans la presse locale « France Antilles » titrait : «  Onze Antillais seraient partis au djihad ». Ils venaient des communes de Limeil-Brévannes et de Boissy-Saint-Léger en région parisienne.  Dans les années 1960, les Noirs américains menaient des luttes politiques pour accéder à l’égalité des droits civiques ; la conversion à l’Islam, avec comme figure emblématique Malcom X, était un moyen de s’écarter de la religion dominante. Le travail de recherche d’Agathe Larisse Chamou, doctorante à l’EHESS (Ecole des hautes «études en sciences sociales) montre au contraire qu’elle n’a pas retrouvé dans les entretiens qu’elle a eus avec une vingtaine d’Antillais convertis de motivations politiques. La raison de ce choix diffère de l’un à l’autre mais ils ont en commun d’avoir grandi en région parisienne avec une forte présence maghrébine. Certains d’entre eux évoquent le sentiment de faire ainsi partie d’une communauté solidaire; pour d’autres, il s’agit d’une quête de spiritualité, avec parfois des étapes menant vers le bouddhisme ou le rastafarisme.

La question de l’intégration des non européens

Les discours haineux, racistes, démagogues continuent de se déverser dans les médias, sur les réseaux sociaux… Beaucoup d’agitation, de paroles, de discours creux,  « Cette foule, si étrangement bavarde et muette »… pour reprendre l’image de Césaire dans son ouvrage (Cahier d’un retour au pays natal).

La stigmatisation permanente des minorités, notamment des jeunes de banlieue, les amalgames récurrents des politiques comme de certains « journalistes » ou »intellectuels »…  le silence assourdissant de « nos intellectuels », des responsables politiques ou associatifs censés nous représenter; entretiennent un climat malsain et ne peut que nourrir un sentiment de révolte chez les jeunes, au mieux de désespoir. A l’âge où les personnalités, les identités se construisent, il est douloureux de se sentir étranger dans le pays qui vous a vu naître. Ressentir au quotidien, dans le regard, dans l’attitude,  l’image que l’autre renvoie de votre identité…

La plupart des jeunes d’origine antillaise nés en France n’ont qu’une vague idée de leur Histoire et il ne faut pas compter sur les manuels scolaires pour les renseigner. Marc, un jeune métis qui a grandi en région parisienne me disait récemment que jusqu’au bac, pas une ligne sur l’esclavage, sur les Antilles… Les livres d’histoire ont occulté quatre siècles de leur propre histoire et Christophe Colomb reste uniquement le grand navigateur qui a découvert le Nouveau Monde.  Le malaise des banlieues est avant tout un problème d’ordre social, mais la conversion à l’islam pour certains jeunes afin d’avoir enfin le sentiment de partager une communauté informe sur la perception de leur identité

Il faut être en mesure de remettre en question les choix qui semblent s’imposer à nous comme des évidences, comme seules alternatives. L’urgence est de se poser les bonnes questions, et singulièrement la première d’entre elles : qui sommes-nous ? Savoir d’où l’on vient pour appréhender un avenir qui entrerait en cohérence avec ce que nous avons à dire et à partager de notre humanité.

Débats de fond sur les problématiques raciales en Angleterre

 Je vivais en Angleterre lors des attentats de Londres le 7 juillet 2005 ; l’Angleterre se réveillait avec « la gueule de bois », elle venait d’apprendre que Londres avait été choisie (aux dépens de Paris) pour organiser les Jeux olympiques et la population avait fêté tard dans la nuit la nouvelle. Stupeur quand on apprit que les terroristes étaient des Britanniques (des jeunes nés au Royaume-Uni, notamment d’origine pakistanaise). Incompréhension d’autant plus grande que les minorités raciales sont là-bas très organisées, les premières lois votées pour protéger leurs droits datent de 1976. Les discriminations à l’emploi, au logement, ou à l’entrée d’une boîte de nuit…donnent lieu à des amendes très fortes. Les semaines qui ont suivi les attentats dans le métro et les bus, la BBC et les principales chaînes de télévision et radio ont réagi en organisant des débats de fond avec des jeunes, des représentants de toutes les communautés, des personnalités politiques ou représentatives des minorités, sociologues, politologues… Le public a eu droit à des échanges approfondis pour tenter de comprendre ce qui s’était passé et pourquoi… Quelles solutions apporter, que fallait-il remettre en question, où en était le multiculturalisme, comment pouvait-il évoluer ?

Sur ces sujets, le débat en France est consternant. Les amalgames récurrents  signalent le manque d’intérêt réel sur ces problématiques des personnalités publiques (toujours les mêmes), leur ignorance au mieux leur démagogie…

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